dimanche 11 juin 2023

Bonus: AHRIMAN ET LUCIFER SELON RUDOLF STEINER (Dans le mystère du seuil)

 Le 25 Août 1913 Rudolf Steiner disait : Vous aurez vu que les expériences des âmes indiquées dans (L'Éveil des âmes) se passent à la limite du monde des sens et des mondes spirituels suprasensibles. Pour la science de l'Esprit il est d'une importance toute particulière d'avoir cette frontière devant le regard de l'âme. Car il est naturel que tout ce que l'âme humaine peut d'abord éprouver dans le monde spirituel suprasensible soit pour ainsi dire de l'inconnu pour toutes les facultés et toutes les expériences de l'âme humaine, habituée au monde physique sensible. 

 

Quand l'homme pénètre dans le monde spirituel au moyen des différentes méthodes que nous avons appris à connaître, c'est à dire quand l'âme apprend à vivre dans le monde spirituel, à observer, à faire des expériences en dehors du corps physique, il est nécessaire qu'elle se forme des facultés spéciales, des forces appropriées. Si l'âme s’efforce d'acquérir la conscience clairvoyante pendant l'existence terrestre, il est naturel que devenue clairvoyante ou voulant le devenir, elle puisse se maintenir dans le monde spirituel en dehors de son corps physique et qu'elle puisse à nouveau revenir dans le corps physique. L’homme terrestre doit nécessairement le faire et donc pouvoir, comme un être terrestre, vivre normalement dans le monde des sens.

 

On peut donc dire : l'âme devenue clairvoyante doit pouvoir se mouvoir normalement dans le monde spirituel et pouvoir continuellement franchir la frontière qui la ramène dans le monde physique, et là, si je puis m'exprimer d'une manière courante, pouvoir se comporter d'une manière juste, conforme à ce monde. Du fait que les facultés de l'âme doivent être autres dans le monde spirituel et autres quand elle se sert de ses sens et du reste de son corps physique, cette âme doit acquérir la mobilité quand elle veut devenir clairvoyante, se ressentir dans le monde spirituel et y vivre avec les facultés appropriées puis, franchissant la frontière, utiliser à nouveau les facultés correspondant au monde sensible. Acquérir cette mobilité, cette faculté de transformation n'est pas particulièrement facile.

 

Mais pour une appréciation exacte de la différence qui oppose le monde spirituel au monde des sens, il faut que cette frontière qui les sépare soit nettement perdue, que le seuil lui-même que l’âme doit franchir soit nettement perçu par l'œil spirituel ou par l'âme quand elle veut passer du monde physique dans le monde spirituel. Car nous verrons au cours de ce cycle de la manière la plus variée que l'âme ne peut sans de graves préjudices transporter les habitudes d'un monde dans l'autre quand elle doit franchir le seuil dans un sens ou dans l'autre.

 

Ce passage du seuil est d'autant plus difficile que dans l'organisation de notre monde, les Entités qui interviennent au cours des expériences décrites dans (L'Éveil des âmes) et dans les autres drames, celles que nous désignons comme lucifériennes et ahrimaniennes, jouent un certain rôle. Pour franchir correctement le passage d'un monde dans l'autre, il est nécessaire de savoir comment se conduire à leur égard. Le plus simple serait évidemment de se dire, et bien des âmes choisissent, du moins théoriquement, cette affirmation, Ahriman semble en effet être un bien dangereux compagnon, mais lorsqu'il exerce son influence sur le monde et la conduite humaine, le plus simple serait de repousser les impulsions qui viennent de lui.

 

Cela paraît très commode, mais pour le monde spirituel, c'est aussi intelligent que de vouloir rétablir l'équilibre d'une balance dont le plateau est abaissé par le poids qu'il porte, en enlevant purement et simplement ce poids. Ces entités que nous appelons lucifériennes et ahrimaniennes sont présentes dans le monde, elles ont leur mission dans l'ordonnance du monde et l'on ne peut pas les supprimer. En effet il ne s'agit pas de les supprimer, mais comme pour les poids sur les plateaux de la balance, d'équilibrer leurs impulsions sur les hommes et les autres êtres, de les compenser.

 

Ce n'est pas en la supprimant, qu'on corrige l'activité d'une force ou d'un être, mais en adoptant la conduite appropriée. Et on comprend mal ces entités lucifériennes et ahrimaniennes en disant simplement : ce sont des entités mauvaises et nuisibles. Que ces entités s'opposent d'une certaine manière à l'ordre mondial universel qui était déjà prévu avant qu'elles y soient introduites, ne signifie pas qu'elles doivent avoir une action nuisible en toutes circonstances. Elles ont, comme les entités légitimes dans les mondes spirituels, un certain domaine ou exercer leur action dans l'ensemble de l'ordonnance mondiale. Et leur révolte, leur opposition vient du fait qu'elles dépassent les limites du domaine qui leur est assigné et qu'elles exercent leur force au-delà de ce domaine. Voyons donc de ce point de vue l'action d'Ahriman et des entités ahrimaniennes.

 

On peut très bien caractériser Ahriman en disant qu'il est, dans la plus large mesure, le Seigneur de la Mort, le régent de toutes les puissances qui doivent amener ce qui est nécessaire dans ce monde physique sensible : la destruction et la mort des êtres. Dans le monde sensible, la mort fait partie des dispositions nécessaires car si elle ne s'y produisait pas, si la destruction et la mort n'existaient pas, les êtres se multiplieraient à l'excès. La mission de régulariser cette mort selon les décisions du monde spirituel incombe à Ahriman, il est le seigneur qui régularise la mort. Le règne qui est essentiellement sien est le règne minéral, ce règne est toujours mort, la mort est pour ainsi dire répandue sur le monde minéral. 

 

Mais notre monde terrestre est tel que le règne minéral, les lois minérales, existent aussi dans les autres règnes de la nature. Les plantes, les animaux, les hommes, dans la mesure où ils sont des êtres de la nature, sont pénétrés de matière minérale, de forces et de substances minérales et obéissent aux lois du minéral dans la mesure où celui-ci appartient à la Terre. Par-là, tout ce qui fait partie d'une mort légitime, dépend aussi, dans ces règnes supérieurs, de la souveraineté d'Ahriman.

 

Dans la nature extérieure qui nous entoure, Ahriman est le légitime Seigneur de la Mort et dans ce sens, on ne doit pas le tenir pour une Puissance mauvaise, mais comme une Puissance fondée dans l'ordonnance générale du monde. Notre relation au monde des sens n'est juste que lorsque nous lui apportons un intérêt qui convient, que nous ne lui demandons pas une existence éternelle des formes sensibles, mais que nous acceptons qu'elles subissent une mort naturelle. Pouvoir se réjouir des choses sensibles sans nous y attacher au point de refuser leur disparition et la mort, telle est la juste relation à apporter à ce monde sensible. Et pour qu'il en soit ainsi, pour que cette attitude à l’égard de ce qui naît et de ce qui meurt soit juste, les Puissances ahrimaniennes pénètrent l'homme de leurs impulsions. Mais Ahriman peut outrepasser les limites de son domaine : il peut en particulier l'outrepasser en s'introduisant dans la pensée humaine.

 

Celui qui ne connaît pas et ne veut pas comprendre le monde spirituel ne croira pas qu’Ahriman agisse dans la pensée humaine ; et pourtant il le fait dans la mesure où cette pensée vit dans le monde des sens, où elle est liée au cerveau qui selon l'ordre universel du monde doit succomber à la destruction. Quand il déborde ses limites, il a la tendance, l'intention de détacher la pensée de son instrument mortel du cerveau, pour la rendre indépendante. Il veut arracher la pensée physique, la pensée dirigée sur le monde sensible, du cerveau physique dans lequel cette pensée devrait disparaître entraînée par le courant destructeur quand l'homme passe par la porte de la mort. Il le fait tout au long de la vie humaine en imprimant fortement ses griffes sur cette pensée et sur l'homme de telle sorte que la pensée veut échapper à la destruction. 

 

Ahriman agit ainsi sur la pensée humaine et les hommes liés au monde sensible ne perçoivent naturellement que les effets de l'activité des entités spirituelles ; ceux qu’Ahriman tient au collet aspirent à détacher la pensée de son insertion dans l'ordonnance du monde. Et c'est ce que fait le matérialisme en voulant diriger la pensée uniquement sur le monde sensible. Les hommes qui ne veulent rien savoir du monde spirituel sont ceux qu’Ahriman possède, il les tient, car il a capté leur pensée et la pousse à rester dans le monde sensible. 

 

Lorsqu'un homme ne s’intéresse pas à l'occultisme, refuse de croire à un monde spirituel, il en résulte qu'il devient un grossier matérialiste. L'homme est en fait asservi pas Ahriman, seulement il ne le remarque pas. Mais Ahriman ayant réussi à détacher la pensée du cerveau, crée avec cette pensée des ombres et des schèmes qui se mêlent au monde physique.

 

C'est avec ces ombres et ces schèmes qu'Ahriman veut continuellement fonder son propre empire Ahrimanien. Il guette continuellement le moyen d'arracher ce qu'il peut de la pensée humaine quand elle veut se mêler au courant que suit l'homme franchissant la porte de la mort et de la garder pour peupler le monde physique d'ombres et de schèmes formés de cette pensée humaine physique enlevée à son sol maternel. Du point de vue occulte on peut observer ces ombres et ces schèmes se glissent partout dans le monde physique et causer des dommages dans l'ordonnance du monde, telles sont les productions réalisées pas Ahriman de la manière qui vient d'être décrite. 

 

Notre attitude envers Ahriman est juste quand nous reconnaissons que grâce à ses impulsions légitimes, notre âme peut avoir une relation normale avec le monde sensible, mais nous devons veiller à ce qu'il ne nous séduise pas de la manière qui vient d'être décrite. Il est évidemment plus commode d'opter pour une solution qui consiste à se dire : extirpons donc de notre âme toutes les impulsions ahrimaniennes ! Mais ainsi on ne fera rien d'autre que de faire pencher l'autre plateau de la balance  et celui qui réussirait à chasser Ahriman sous l'effet d'une fausse théorie tomberait de ce fait sous l'influence luciférienne.

 

Car ce recul craintif devant la puissance Ahrimanienne conduit les hommes à mépriser le monde des sens, à s'en désintéresser au point de refuser la joie de l'apprécier à sa juste valeur. Il en résulte la pratique d'une fausse ascèse (qui se consacre aux exercices de piété, aux mortifications) qui offre alors une forte emprise aux fausses impulsions lucifériennes. On pourrait en vérité exposer l'histoire de l'ascèse en la présentant comme une continuelle séduction de Lucifer. Et l'homme y succombe parce qu'au lieu de rétablir l'équilibre des plateaux de la balance, de contrebalancer les forces, il en détruit tout un côté. Ahriman est pleinement justifié quand il pousse l'homme à considérer correctement le monde sensible.

  

Le règne minéral est pour ainsi dire celui qui appartient en propre à Ahriman, celui sur lequel la mort règne constamment. Dans les règnes supérieurs de la Nature il est le régulateur de la mort dans la mesure où il intervient d'une manière ordonnée dans le cours des événements et chez les êtres. Le suprasensible qui intervient plutôt dans le monde extérieur, nous le désignons pour certaines raisons comme (spirituel)  celui qui agit plutôt dans l'être intérieur de l'homme, nous l'appelons (psychique).  

 

Ahriman est plus un être spirituel, Lucifer, plus psychique. Ahriman est pour ainsi dire le maître de ce qui se passe dans la nature extérieure, Lucifer pénètre de ses impulsions l'intérieur de l'homme. Il existe en fait dans l'ordonnance du monde une mission de Lucifer tout à fait légitime. Elle consiste à arracher en quelque sorte l'homme et tout ce qui est âme au monde, de la vie qui se complait uniquement au domaine physique des sens. S'il n'y avait pas de puissance luciférienne dans le monde, l'homme passerait en rêvant au milieu des perceptions du monde extérieur et des interprétations de son intelligence.

 

L'existence humaine et celle de l'âme seraient une sorte de rêve à l'intérieur du monde sensible. Il existe des impulsions qui en vérité ne veulent pas arracher ces âmes au monde sensible tant qu'elles sont liées à lui de manière temporelle, mais qui veulent les élever pour qu'elles éprouvent et ressentent autrement et se réjouissent non seulement de ce monde sensible leur offre. Pensons seulement à ce que l'humanité a recherché dans l'évolution artistique. Partout où dans la vie de son âme, de ses pensées et de ses sentiments, l'homme crée quelque chose qui ne dépend pas uniquement de monde sensible mais s'élève au-dessus de celui-ci, Lucifer est la Puissance qui l'arrache à ce monde sensible. 

Une grande part de la création artistique, celle qui élève et libère l’âme est une inspiration de Lucifer et nous pouvons encore y ajouter autre chose, c'est grâce à l'existence des Puissances lucifériennes que la pensée de l'homme peut ne pas se borner à reproduire le (portrait) du monde physique sensible, elle est libre de s'en détacher et c'est ce qu'elle fait dans la philosophie humaine. A ce point de vue, on peut dire que toute philosophie est une inspiration de Lucifer.

 

On peut écrire une histoire de la philosophie, dans la mesure où celle-ci n'est pas du pur positivisme, c'est à dire ne se borne pas au monde matériel extérieur, en disant : l'histoire de la philosophie, son évolution, est la marque d'une constante inspiration de Lucifer, car toute création qui s'élève au-dessus du monde sensible est due aux forces et aux activités légitimes de Lucifer. Mais Lucifer peut dépasser son domaine et c'est en cela qu'il s'oppose à l'ordonnance du monde. Lucifer sort de ses limites et a toujours tendance à les dépasser quand il veut pervertir l'âme dans ses sentiments. Tandis qu’Ahriman s'attaque davantage à la pensée, Lucifer s'attaque à la vie du sentiment, aux émotions, penchants, passions, désirs, à tout ce qui, dans l'âme, a un caractère de sentiment pour le détacher du monde physique sensible, le spiritualiser et se fonder ainsi une île à lui, isolée pourrait-on dire, île d'existence spirituelle, un règne luciférien au moyen de tout le butin sentimental dont il a réussi à s'emparer dans le monde des sens.

 

Tandis qu’Ahriman va maintenir la pensée dans le monde physique sensible et créer des ombres et des schémas qui, en se glissant de tous côtés, deviennent visibles pour la clairvoyance élémentaire, Lucifer s'empare de ce qui est sentimental dans l'âme, l'arrache au monde physique sensible et l'insère dans un règne luciférien particulier qu'il oppose à l'ordre général du monde comme un royaume isolé, semblable à sa propre nature.

 

On peut se faire une idée de la manière dont Lucifer peut s'approcher de l'homme quand on considère une manifestation de la vie humaine dont nous parlerons encore avec plus de précision, celle que l'on désigne comme l'amour au sens le plus large et qui au fond, est la base de toute vie morale dans l'ordonnance du monde humain. De cet amour au sens le plus large, on peut dire lorsqu'il se manifeste dans le monde physique sensible et agit à l'intérieur de la vie humaine, il est absolument protégé de toute emprise lucifériennes illégitime, quand un être humain qui aime un autre, uniquement pour celui-ci et non égoïstement pour soi. 

 

N'est-ce pas, quand nous rencontrons un autre être, un homme ou tout être faisant partie du monde physique, il se présente à nous avec ses propres particularités. Si nous sommes librement réceptifs à ses particularités, elles s'imposent à notre amour, nous ne pouvons faire autrement que d'aimer cet être, nous sommes portés à l'aimer. Cet amour dont la raison d'être n'est pas dans celui qui aime mais dans celui qui est aimé, cette forme d'amour dans le monde sensible échappe absolument à toute influence luciférienne.

 

Mais si vous observez la vie humaine, vous remarquez bien vite qu'il existe aussi une autre sorte d'amour, celui par lequel on aime parce qu'on est satisfait soi-même, enthousiasmé, ravi de pouvoir aimer tel ou tel être. On aime alors pour sa propre satisfaction. On aime parce qu'on a telle ou telle disposition et cette disposition trouve sa satisfaction dans l'amour qu'on porte à l'autre. Cet amour qu'on pourrait appeler (amour égoïsme) doit aussi exister, l'humanité ne doit pas en être privée, car tout ce que nous pouvons aimer dans le monde spirituel, les faits spirituels, tout ce qui en nous, par amour nous fait désirer à atteindre le monde spirituel, à le connaître, à prendre contact avec ses Entités, cela naît aussi de l'amour des sens, pour le monde spirituel.

 

Cet amour du spirituel doit et non seulement peut, il doit donc nécessairement avoir lieu pour nous-mêmes, il nous est indispensable, car nous sommes des êtres dont les racines sont dans le monde spirituel. Il est de notre devoir de nous perfectionner autant que nous le pouvons. C'est dans notre intérêt que nous devons aimer le monde spirituel pour en rapporter dans notre entité autant de forces qu'il est possible. 

Dans l'amour spirituel, cet élément personnel, individuel, on pourrait même dire (égoïste), est entièrement légitime. Cet amour arrache l'homme au monde des sens et l'élève dans le monde spirituel, il l'engage à accomplir ce qui doit le rendre de plus en plus parfait. Cependant Lucifer a tendance à entremêler ces deux mondes. Partout, où sur le plan physique, l'homme aime d'un élan égoïste, dans son propre intérêt, provient de ce que Lucifer veut rendre l'amour humain des sens, semblable à l'amour spirituel. Il peut alors l'arracher au monde sensible et le conduire dans son royaume particulier. Ainsi tout amour qui peut être appelé égoïste, qui n'est pas là dans l'intérêt de celui qu'on aime, mais de celui qui aime, est exposé aux influences lucifériennes.

 

Quand on a, bien en vue ce qui vient d’être dit, on se rend compte que dans la civilisation matérialiste actuelle tout particulièrement, on a maintes occasions de trouver dans la vie cette séduction luciférienne de l’amour, car une grande partie de notre littérature scientifique, littérature médicale actuelle tout particulièrement, est imprégnée de cette manière de concevoir l'amour. 

 

Si l’on voulait parler avec précision, on toucherait là, à un domaine scabreux, la médecine témoigne en effet d'une complaisance toute particulière pour l'élément luciférien de l'amour quand elle dit et répète toujours aux hommes (c'est surtout le monde masculin qui est visé) qu'ils devraient exercer un certain domaine de l'amour parce qu'il est nécessaire à leur santé, donc dans leur propre intérêt.


On leur donne de nombreux conseils et on leur commande même certaines pratiques amoureuses non dans l'intérêt de l'être aimé mais parce que cela est nécessaire pour la vie masculine. Quand nous rencontrons de telles indications et bien qu’elles soient présentées sous un aspect scientifique, elles ne sont rien d’autres que des inspirations de l’élément luciférien présent dans le monde. La science est pour une grande part pénétrée de ces conceptions lucifériennes. Lucifer trouve les meilleures recrues pour son royaume parmi ceux qui réclament des conseils faisant croire qu'il est nécessaire pour le bien de leur propre personne de cultiver certaines formes de l'amour. 

 

Savoir ces choses est absolument nécessaire. Il faut toujours insister sur ce que j'ai déjà dit hier : les gens n'ont pas conscience de la présence du diable sous sa forme luciférienne aussi bien qu'Ahrimanienne, alors qu'il les tient déjà au collet ! Que Lucifer inspire les savants matérialistes qui donnent aux hommes des conseils comme ceux qu’on vient de citer, ceci les gens ne le remarquent pas ; car ils nient Lucifer comme ils nient les mondes spirituels.

 

Nous voyons donc que d'un côté, grâce à Lucifer quelque chose de grand et de noble porte et élève l'évolution de l'humanité, celle-ci doit comprendre qu'il faut suivre les impulsions qui viennent de Lucifer dans les domaines qui lui appartiennent. Partout où il suscite les impulsions artistiques et les belles formes, son activité prend un caractère de grandeur, de noblesse et de puissante élévation, mais cette activité a aussi son côté d’ombre partout il a tendance à détacher le sentiment élevé de l’âme du matériel sensible, à le rendre indépendant et à le pénétrer d’égoïté et d’égoïsme. 

 

Le sens personnel ainsi éveillé pousse l’âme humaine à se forger, à certains moments toutes sortes d'idées sur le monde, de première main, pourrait-on dire. Combien de gens font de la philosophie superficiellement, sans se soucier si leur philosophie est en accord avec les nécessités de l'ordre mondial. Ces philosophes bizarres sont très répandues dans le monde, ils se complaisent dans leurs opinions et ne compensent pas l’élément luciférien par l’Ahrimanien qui doit partout examiner si ce qu’acquiert la pensée dans le monde physique sensible s’applique aussi aux lois de ce monde, et ces êtres avec leurs opinions qui ne sont qu'extravagances et ne s'appliquent pas à l'ordonnance générale du monde, circulent à travers le monde. Toutes les extravagances, les opinons absurdes, toutes les singularités, les faux idéalismes, proviennent du côté ombreux des impulsions lucifériennes. 

 

Mais l'importance de l’élément luciférien et de l'élément Ahrimanien pour la frontière et le seuil qui séparent le monde sensible du monde suprasensible, se révèle grâce à la conscience clairvoyante. Quand l’âme humaine a atteint ce qui la rend capable de voir le monde spirituel, de plonger son regard dans le monde spirituel, il est important qu'elle se charge d'accomplir elle-même ce qui, sinon, ne se fait qu'inconsciemment pour la vie de l'âme. Pour que dans la vie ordinaire l'homme ne mélange pas trop fortement les habitudes et les lois des deux domaines, l’ordre naturel des choses s'en charge : car si les deux mondes étaient mélangés cet ordre naturel serait bouleversé. 

 

Nous avons déjà insisté sur le fait que pour que l'amour se développe de la manière dont le monde spirituel l'exige, il faut que l'homme pénètre de force intérieure son moi, que l'homme ait l'impulsion de se développer, le désir de se perfectionner. L'homme ne doit pas se perdre de vue s'il veut développer, le désir de se perfectionner. 

L’homme ne doit pas se perdre de vue s'il veut développer l'amour du monde spirituel.


Mais si l'homme transfère ce même genre d'aspiration sur le monde physique, au lieu de le mener vers ce qu'il y a de plus noble dans le monde spirituel, ceci peut le mener à de grandes abominations. Il existe des hommes qui dans leur vie journalière sur le plan physique, ne s'intéressent pas spécialement au monde spirituel. A notre époque, dit-on, ces hommes ne sont pas si rares. Cependant la nature ne laisse pas pratiquer à son égard la politique de l’autruche qui consiste à plonger la tête dans le sable et qui ne croient pas à l’existence des choses qu’elles ne voient pas.

 

Les hommes à la pensée matérialiste croient que le monde spirituel n'existe pas parce qu'ils ne le voient pas : ce sont de véritables autruches. Mais dans leur âme, dans les profondeurs de leur propre âme, l'impulsion vers le monde spirituel n'est pas absente, bien qu'ils le nient, parce qu'ils s'étourdissent. Or, cette impulsion est bien là, dans chaque âme humaine, il existe une tendance naturelle, un amour vivant pour le monde spirituel, même dans les âmes matérialistes. Les hommes se rendent simplement impuissants à l’égard de cette impulsion. Mais il existe une loi ; quand une force est retenue d'un côté elle ressurgit de l'autre. Et il en résulte que l'instinct égoïste se transforme en passion et instincts sensuels. Le genre d'amour qui n'est justifié qu’envers le monde spirituel d'où il vient se transforme en passions, instincts et désirs sensuels et ceux-là deviennent des perversions des sens.

 

Les perversités des instincts sensuels, toutes les déformations abominables des passions sensuelles sont la contrepartie de ce qui dans le monde spirituel serait des vertus nobles, si les forces qui devraient être employées dans le monde spirituel n’étaient pas détournées vers le monde physique. Il faut savoir que ces instincts exécrables qui surgissent dans le monde des sens, pourraient s'ils étaient utilisés dans le monde spirituel, réaliser les choses les plus nobles. Cela est extrêmement important. Vous voyez donc que dans ce domaine aussi, ce qui est noble et élevé peut devenir abominable quand la frontière qui sépare le monde physique et le monde suprasensible n’est pas observée et respectée. 

 

La connaissance doit se développer de telle sorte que l’âme clairvoyante puisse vivre dans le monde suprasensible selon les lois de ce monde et qu’elle puisse rentrer à nouveau dans la vie du corps physique sans se laisser abuser par les lois des mondes suprasensibles. Supposons qu'une âme n'en soit pas capable, il pourrait alors arriver ce qui suit, nous verrons encore que l'âme qui franchit la frontière d'un monde dans l'autre apprend grâce à la rencontre du Gardien du Seuil à avoir une attitude juste.

 

Mais supposons qu'une âme, cela peut arriver soit devenue clairvoyante grâce à certaines circonstances et n'ait pas rencontré le Gardien du Seuil de la manière qui convient de le faire, cette âme pourrait pénétrer dans le monde suprasensible avec sa clairvoyance et y obtenir aussi des perceptions, mais n'étant pas parvenue dans le monde spirituel d'une manière correcte, elle n’y aurait que (butiné), ce dont elle s'apercevra en se retrouvant de nouveau dans le monde physique sensible.

Il y a énormément de gens qui (butinent), qui sont friands du monde spirituel et il faut reconnaître qu'en vérité la gourmandise dans le monde suprasensible est beaucoup plus grave qu'elle ne l'est dans le monde physique sensible. On peut donc (butiner) dans le monde spirituel, il arrive alors très souvent qu'on rapporte les expériences qu'on y a faites dans le monde sensible, mais alors tout se densifie, se contracte.


Ainsi un tel clairvoyant qui ne se conforme pas aux lois de l'ordonnance du monde, quand il revient dans le monde physique il y rapporte des images et des impressions densifiées et durcies. Il ne voit et ne pense pas seulement physiquement car il a devant lui son corps physique les reflets imagés du monde spirituel qui paraissent tout à fait semblables aux images sensibles mais en fait aucune réalité : ce sont des illusions, des hallucinations, des rêveries. Dans le monde spirituel celui qui veut voir correctement ne confondra jamais la réalité avec l'imaginaire, il est vrai que la philosophie de Schopenhauer quand elle fait des erreurs, elle se réfute d'elle-même.

 

Elle se réfute notamment dans le monde sensible quant à son erreur capitale que (le monde qui nous entoure est une représentation). Quand on serre de près cette phrase, se trouve déjà démentie du fait que dans la vie on est amené à distinguer une barre de fer chauffé à 900 degrés, ce qui est une perception réelle, d'une barre de fer à 900 degrés imaginée qui ne fait aucun mal. Quand on vit dans le monde réel avec des facultés adéquates, la vie elle-même fournit déjà la différence qui distingue la réalité de l'imaginaire.

 

Dans les mondes suprasensibles tout comme dans le monde physique sensible, il faut tenir compte de leurs lois respectives. Si l'on n'est que gourmand de connaissances on n'est pas prémuni contre les confusions qui peuvent s'établir entre illusion et réalité car les images spirituelles se densifient et on prend pour une réalité ce qui n'est qu'une image. Or cette gourmandise qu'on rapporte en soi lorsqu'on revient du monde spirituel, c'est une proie dont Ahriman peut s'emparer. 

 

Avec ce qu'il enlève à la pensée humaine ordinaire, il ne reçoit que des ombres aériennes, mais ce sont des ombres et des schèmes bien nourris qu'il reçoit, quand il dérobe aux corps des individualités humaines autant qu'il le peut, les fausses images illusoires nées de la gourmandise humaine dans les mondes spirituels, et c'est ainsi que le monde physique sensible est imprégné d'ombres et de schèmes Ahrimaniens qui nuisent gravement à l'ordre général du monde.

 

Nous voyons ainsi comment le principe Ahrimanien peut agir tout particulièrement quand il sort de ses limites et s'oppose à l'ordre du monde et comment le revers de son activité légitime peut devenir mauvais. Le mal absolu n’existe pas. Le mal intervient parce que ce qui est bon d'une certaine manière est utilisé dans le monde d'une autre manière et se transforme ainsi en mal.

 

Le principe luciférien peut donner d'une manière analogue à ce qui est noble et grandiose l’occasion de devenir dangereux et particulièrement dans l’âme devenue clairvoyante. Le cas est inverse. Nous venons de voir que lorsque dans le monde spirituel une âme (gourmande) obtient des perceptions et en revenant dans le monde sensible, ne se dit pas ; maintenant tu ne dois pas te servir de cette voyance faîte pour le monde spirituel, ‑‑ cette âme est exposée dans le monde physique sensible à l'influence Ahrimanienne. 

 

Mais le contraire peut aussi se produire : l'âme humaine peut transporter dans le monde spirituel ce qui n'appartient qu'au monde physique, c'est à dire les impressions, les sentiments, les passions que l’âme doit développer nécessairement jusqu' à un certain degré dans le monde sensible. Or rien de ce qui a le caractère de passion dans le monde sensible ne doit être transporté dans le monde spirituel, si l'âme ne veut pas succomber aux attaques et aux séductions de Lucifer.

 

C'est quelque chose de ce genre qu'on a cherché à monter au 9e tableau de (l’éveil des âmes) dans ce que ressent l’âme de Maria. Il serait entièrement faux d’attendre à cet endroit une agitation dramatique violente telle qu’on peut la trouver dans un drame du monde physique.

 

Si le sentiment de Maria était tel qu’à ce moment le souvenir du monde dévachanique et de l’époque égyptienne pouvait soulever des tempêtes dans ses impressions et ses passions, son âme flotterait ici et là au gré des vagues de la passion. Une âme incapable de recevoir les impulsions du monde spirituel avec le calme intérieur d'un abandon absolu qui maîtrise tous les drames physiques extérieurs, est livrée dans le monde spirituel à un destin que je ne peux décrire que d'une manière imagée. Pensez à un être qui dans une salle, serait une sorte de balle élastique poussée d'un côté contre un mur, puis rebondirait sur l’autre, roulant sans cesse de ci, de là, selon les vagues de la passion.

 

C'est ce qui arrive exactement à l’âme qui transporte la manière de sentir, les sentiments, les passions du monde physique dans le monde spirituel. Mais ensuite il se produit autre chose. Il n'est pas agréable d'être ainsi jeté et rejeté comme une immense prison. L'âme dans ce cas, en tant qu’âme clairvoyante, pratique la politique de l’autruche, elle s'étourdit, elle étourdit sa conscience pour ne rien remarquer, elle croit alors qu’elle ne sera pas poussée et repoussée de tous côtés. Lucifer peut maintenant agir d’autant plus que la conscience est étourdie, il séduit l'âme et l'attire dans son royaume particulier. Là, l'âme peut recevoir ses impressions spirituelles, mais ce sont des impressions purement lucifériennes parce qu’elles sont reçues dans son royaume insulaire, pour ainsi dire. 

 

Comme la connaissance de soi est difficile à cet endroit et que l’âme arrive très difficilement à discerner avec clarté certaines propriétés, qu’en outre les hommes ont le désir de pénétrer le plus rapidement possible dans le monde spirituel, il n'est pas étonnant qu'ils se disent : je suis déjà prêt et je vais maîtriser mes passions. Ceci est naturellement plus facile à dire qu’à faire. En particulier il existe des dispositions personnelles qu’on domine mal, l’orgueil, la vanité et autres choses semblables sont enracinées de telle sorte dans les âmes que s’avouer : tu es vaniteux et orgueilleux, tu es possessif, ‑‑n’est pas aisé. 

 

Quand on s’examine sur ce point, on se leurre le plus souvent, mais ce sont là les défauts les plus pernicieux, si on les emporte dans le monde spirituel, on devient alors une proie extrêmement facile pour Lucifer et quand on remarque qu'on est poussé de ci, de là, on ne se dit pas volontiers : cela vient de l'orgueil, de la vanité, on cherche alors à tromper son âme et Lucifer vous entraîne dans son royaume. 

 

Là, on peut évidemment avoir des impressions, mais elles ne s'accordent pas avec l'ordre mondial qui a déjà été tracé avant que Lucifer n'y soit intervenu, elles sont bien des impressions, spirituelles mais d'un caractère purement luciférien. On peut même avoir les impressions les plus étranges que l'on tiendra pour des vérités absolues. On racontera aux gens toutes sortes d'incarnations de telle ou de telle personne qui seront de pures suggestions lucifériennes ou des choses analogues.

 

Pour que l'éveil de Maria soit juste, il fallait qu'au moment où le monde spirituel se manifesta à elle avec cette force, son attitude soit présentée de telle sorte qu'au fond, cela paraisse absurde même à un critique bienveillant de notre temps. Car ce critique conciliant pourrait dire : la scène égyptienne vient de se dérouler et maintenant Maria est là assise comme si elle venait de prendre son déjeuner et que le caractère dramatique échappe totalement à ce qu'elle ressent. Pourtant à ce degré de développement, ce qui se passerait autrement serait faux : seul, un calme paisible est vrai à ce degré de développement où les rayons, la lumière de l'Esprit se répand.

 

Nous voyons donc que la disposition de l'âme doit être entièrement libérée de toute affectivité et de la passion qui n'ont d'importance que pour le monde physique sensible, quand elle doit passer correctement le seuil du monde spirituel et qu'elle ne veut pas supporter dans le monde spirituel les conséquences nécessaires de la sentimentalité restée liée au monde sensible.

 

Ahriman est davantage un être spirituel, son activité créative irrégulière se répand pour ainsi dire dans le monde physique entier. Lucifer est plus un être psychique, ce qu'il veut enlever aux âmes comme éléments de sentimentalité, il veut l'incorporer à son royaume luciférien particulier dans lequel selon le degré d'égoïsme implanté en chaque être il veut assurer à chaque homme la plus grande possibilité d'indépendance arbitraire. 

 

On voit donc par-là qu'il ne s'agit pas de traiter Ahriman et Lucifer comme s'ils étaient uniquement bons ou mauvais, mais de savoir distinguer quelle est l'activité légitime, le royaume propre à chacun et où commence leur activité irrégulière, le dépassement de leurs frontières. Car c'est parce qu'ils sortent de leurs limites qu'ils entraînent les hommes à dépasser les frontières d'un monde avec les possibilités et les lois de l'autre.

 

Ce sont les expériences correspondant au dépassement, dans l'un et l'autre sens, de la frontière qui sépare le monde physique sensible et le monde spirituel suprasensible que les tableaux de (l’éveil des âmes) nous présentent. Je voulais commencer par l'indication des règles qui doivent être observées à la limite des deux mondes. Il faut laisser agir les polarités Lucifer et Ahriman qui s’oppose, c'est ainsi que doit se conduire celui qui veut rester sur un sol ferme. 

Quand l'âme conçoit clairement que partout des oppositions sont nécessaires, alors son attitude est juste.

 

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